Salaires, concours, conditions de travail… : la fonction publique confrontée à une “crise généralisée” de l’attractivité

fonction

fonction publique

Des lits d’hôpitaux fermés faute de personnel, postes offerts en concours non pourvus, départs volontaires en augmentation… Les voyants sont au rouge dans les trois fonctions publiques.

( AFP / SEBASTIEN BOZON )

( AFP / SEBASTIEN BOZON )

Des concours qui n’attirent plus, des agents qui démissionnent, salaires trop bas… La fonction publique française est confrontée à une crise d’attractivité “structurelle, durable et généralisée”, selon un rapport de France Stratégie, organisme de conseil placé auprès du Premier ministre. Et la situation pourrait s’aggraver encore dans les années à venir.

Cette crise affecte “les trois versants” de la fonction publique (d’État, hospitalière et territoriale, NDLR) “et toutes les catégories d’emploi et de statuts”, notent les auteurs du rapport. Fruit de plus d’un an et demi de travail, il a été publié quelques jours après une importante mobilisation des agents publics qui réclamaient l’abandon de plusieurs mesures d’économies.

Côté recrutement, l’organisme rappelle que 15% des postes offerts aux concours de la fonction publique d’État (FPE) n’ont pas été pourvus en 2022 , contre 5% en 2018. La FPE regroupe la majorité des 5,7 millions d’agents publics. Dans la fonction publique hospitalière, 21% des lits d’hôpitaux de l’Assistance publique hôpitaux de Paris (APHP) ont été fermés en 2022, dont 70% par manque de personnel, précise France Stratégie en citant un rapport de la Cour des Comptes.

L’organisme explique notamment cette crise par des “concours qui n’attirent plus”, avec un “décrochage” très marqué depuis les années 2010, ce qui engendre un effondrement des taux de sélectivité aux concours. Dans la FPE, si 12 candidats se présentaient en moyenne pour un poste à pourvoir au concours externe de la fonction publique d’Etat entre 2000 et 2010, ils n’étaient plus que 4 en 2022; en 2016, 297.000 candidats se sont présentés aux épreuves, contre seulement 151.000 en 2022.

Les départs volontaires “en nette augmentation”

Mais le défi pour la fonction publique est aussi de réussir à conserver ses agents, alors que les départs volontaires “sont en nette augmentation” , déplore France Stratégie : entre 2014 et 2022, les départs sans lien avec la retraite ont augmenté de 47%.

Bilan: la fonction publique attire de moins en moins, avec un “risque d’aggravation” du phénomène si rien n’est fait dans les années à venir, au vu du déséquilibre croissant entre les entrants et les sortants lié au vieillissement des agents, s’inquiète France Stratégie.

Autre facteur répulsif, la rémunération des agents publics , vécue comme insuffisante. Si certaines mesures (Ségur de la santé, Grenelle de l’éducation) ont contribué à améliorer leur pouvoir d’achat, elles “n’ont pas permis de contrer complètement l’érosion de l’attractivité salariale de la fonction publique”, estime France Stratégie, notamment si on compare au secteur privé. Et le choix récent du gouvernement de confirmer le gel de la valeur du point d’indice (mécanisme qui permet le calcul des rémunérations) ou de ne pas reconduire une prime en faveur du pouvoir d’achat des agents (prime GIPA) que touchaient au moins 188.000 fonctionnaires ne semblent pas de nature à améliorer la situation.

Mais des leviers existent pour remédier à cette crise, assure France Stratégie. Sur le pouvoir d’achat, France Stratégie suggère de “renforcer la reconnaissance, y compris salariale”, des agents et mettre l’accent sur de meilleures “perspectives d’évolution et de progression” dans les carrières.

“Un gisement d’économies budgétaires ?”

“La fonction publique est seulement vue comme un gisement d’économies budgétaires par les ministres successifs”, regrette Johan Theuret du cercle de réflexion de hauts fonctionnaires “le Sens du service public”, interrogé par l’ AFP .

France Stratégie recommande aussi de consolider la “garantie de l’emploi” : l’emploi à vie des fonctionnaires reste une “motivation importante” pour les candidats, bien qu’elle “perd[e] de son pouvoir d’attraction”, notamment dans les secteurs où l’offre d’emploi est abondante (les métiers du soin et du numérique, par exemple).

Avant la dissolution de l’Assemblée nationale en juin, la remise en cause de l’emploi à vie avait suscité le débat autour d’un projet de loi porté par l’ancien ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini. Très décrié par les syndicats, le texte prévoyait notamment d’accentuer la rémunération au mérite, de faciliter les licenciements, voire de supprimer le système historique de catégories (A, B et C) de la fonction publique. Il a été gelé par la dissolution de l’Assemblée nationale. Mais le successeur de Stanislas Guerini, Guillaume Kasbarian, désormais ministre démissionnaire, n’avait pas exclu de reprendre certaines parties du texte.

Ajoutez le texte de votre infobulle ici