Thierry Breton
L’ancien commissaire européen au Numérique appelle une nouvelle fois au “réalisme” face aux nouvelles forces qui agitent le paysage géopolitique. Et si le moteur Paris-Berlin semble grippé, l’occasion d’un “nouveau départ” est possible.
Thierry Breton, à Paris, le 21 mai 2024 ( POOL / YOAN VALAT )
“Ne soyons plus naïfs : tout autour de nous contribue à vouloir diviser ou affaiblir l’Europe !” . Dans un entretien aux Echos , Thierry Breton a dressé le panorama du paysage mondial hostile dans lequel évolue l’UE, à l’heure où Elon Musk multiplie les ingérences dans la vie politique européenne. Fin décembre, le soutien appuyé du milliardaire au parti d’extrême droite en Allemagne avait été le point de départ d’échanges tendus avec l’ex-commissaire européen au Numérique. Depuis, Musk fait feu de tout bois sur son réseau social X (ex-Twitter), notamment sur la vie politique au Royaume-Uni.
“La liberté d’expression est une règle d’or en Europe. Elon Musk n’est, à ce jour, membre d’aucun gouvernement. Il a donc le droit d’exprimer ses propres opinions, quand bien même ses mises en cause personnelles des dirigeants européens sont pour le moins choquantes et irrespectueuses”, juge t-il dans cet entretien publié jeudi 9 janvier. “En revanche, s’il utilise pour ce faire un réseau social, le sien en l’occurrence, soumis à nos lois européennes comme le DSA (Digital Services Act), alors là oui, l’Europe a son mot à dire”, a t-il commenté au sujet du nouveau dispositif européen qu’il a porté en tant que commissaire.
“La Chine a un besoin vital de l’Europe”
Le pas de deux entre Musk et Donald Trump, qui multiplie les menaces à la fois expansionnistes d’un point de vue territorial, et protectionnistes d’un point de vue économique, appelle l’Europe à s’adapter notamment vis à vis du marché chinois. “Soyons conscients que, d’autant plus à l’heure de la nouvelle présidence Trump, la Chine a un besoin vital de l’Europe pour les débouchés de ses exportations qui conditionnent son développement économique et ses équilibres sociaux”, note ainsi Thierry Breton.
“Une fois encore, pour nous Européens, l’heure du réalisme et de la fin de la naïveté a sonné”, insiste t-il. Notre vaste marché intérieur doit, bien sûr, rester ouvert au monde. Mais à nos conditions et, désormais, en s’assurant de la réciprocité chez ceux qui en bénéficient”, ajoute -il, en écho aux propos d’Emmanuel Macron qui avait jugé le 31 décembre dernier que les Européens devait “dire non aux lois du commerce édictées par d’autres”.
“Le moteur franco-allemand ne fonctionne pas comme il le devrait”
Quant au leadership au sein de l’UE? Thierry reconnait sur ce point les défaillances de l’axe Paris-Berlin. “Le moteur franco-allemand ne fonctionne pas comme il le devrait et je le déplore. Il faut le reconstruire” , note t-il, entrevoyant la possibilité d’évolutions à l’orée des législatives anticipées de février prochain outre-Rhin. Si Friedrich Merz de la CDU, qui dit en comprendre l’importance, devient chancelier fin février, il faudra saisir le moment d’un nouveau départ”.