Chute de Bachar al-Assad
Les Kurdes de Syrie sont confrontés à plusieurs défis, non des moindres étant l’hostilité très marquée du voisin Turc à leur égard.
Un combattant kurde à Qamishli, en Syrie, le 9 décembre 2024. ( AFP / DELIL SOULEIMAN )
Le Kurdes ont beau faire flotter le drapeau de la rébellion syrienne -un geste d’ouverture envers les islamistes-, l’avenir est incertain pour cette communauté longtemps opprimée craint de perdre l’autonomie limitée acquise de haute lutte dans le nord-est de la Syrie.
Les Kurdes syriens ont été victimes de discrimination pendant des décennies, notamment sous le règne du clan Assad, empêchés par exemple d’apprendre leur langue dans les écoles.
Dans un geste d’ouverture envers le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS) qui a renversé, avec ses alliés, le président Bachar al-Assad , l’administration autonome kurde a annoncé qu’elle adoptait le drapeau syrien de l’indépendance , qui flotte désormais à Damas.
Le sort des Kurdes de Syrie, qui étaient taxées de “séparatisme” du temps d’Assad, “reste incertain”, observe l’analyste Mutlu Civiroglu, basé à Washington, avant de noter que “sur le terrain, l’évolution de la situation est rapide”. Ces Kurdes font face à “une pression croissante de la Turquie et des factions sous son contrôle” , des combattants soutenus par Ankara s’étant emparés, à la faveur de l’offensive des rebelles de HTS, de deux zones du nord, Manbij et Tal Rifaat, qu’ils tenaient.
La semaine dernière, Mazloum Abdi, chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), dirigées par les Kurdes et appuyées par les États-Unis, a salué “l’opportunité de construire une nouvelle Syrie basée sur la démocratie et la justice, qui garantisse les droits de tous les Syriens”.
Craintes pour l’autonomie
Mais de nombreux habitants du nord-est s’inquiètent de l’avenir de leur région semi-autonome. “Les factions de Damas ne reconnaissent pas les Kurdes”, affirme à l’ AFP Ali Darwish, un habitant de la ville kurde de Qamichli. “Maintenant, ils veulent lisser leur image devant la communauté internationale” . “En tant que Kurdes, nous espérons être en mesure de préserver nos régions et d’améliorer la situation économique”, souligne cet homme de 58 ans, s’exprimant en kurde.
Les FDS contrôlent de vastes régions du nord-est de la Syrie, où les Kurdes syriens ont instauré une administration semi-autonome. Alliées des Occidentaux dans la lutte contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI), elles sont considérées par la Turquie comme une émanation du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), classé par Ankara comme une organisation terroriste.
Jeudi, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a déclaré que les FDS étaient “essentielles” pour empêcher une résurgence des jihadistes de l’EI en Syrie après la chute d’Assad. La Turquie, elle, a déjà nommé un représentant diplomatique en Syrie après avoir accueilli favorablement la prise du pouvoir par HTS. Ce dernier dit avoir renié les fondements de ses origines, lorsque le groupe s’appelait Jabhat al-Nusra et avait prêté allégeance à Al-Qaïda.
Le facteur turc
“Les Kurdes syriens sont confrontés à plusieurs défis importants, dont le plus pressant est l’hostilité permanente de la Turquie à leur égard” , affirme l’analyste Mutlu Civiroglu. Depuis 2016, la Turquie a organisé de nombreuses opérations contre les FDS. Les combattants des nouvelles autorités syriennes ont pris la ville orientale de Deir Ezzor, qui était brièvement passée sous contrôle des FDS après le retrait des troupes de l’ancien régime et de leurs alliés soutenus par l’Iran. “Toutes les attaques et menaces turques contre les Kurdes visent directement ou indirectement à saper l’autonomie kurde et à étendre le contrôle turc dans le nord de la Syrie”, souligne Mutlu Civiroglu.
Les nouveaux dirigeants syriens n’ont cessé de répéter que les minorités seraient protégées mais sans mentionner explicitement les Kurdes.
À Qamichli, des habitants ont déclaré à l’ AFP qu’ils se réjouissaient de l’éviction d’Assad mais qu’ils demeuraient inquiets. Les Kurdes, la plus importante minorité ethnique de Syrie, veulent un “État démocratique qui respecte les droits et la religion de chacun” , déclare Khorshed Abo Rasho, 68 ans. “Nous voulons un Etat fédéral, pas une dictature”, ajoute-t-il. L’avocat Fahd Dawoud, âgé de 44 ans, est plus optimiste. “Nous espérons que le nouveau gouvernement représentera tous les Syriens et n’exclura aucun parti”.