finance verte
Patrice Geoffron
université Paris-Dauphine
Professeur d’économie
sdsdsd
2024 aura été une année en demi-teinte pour la « finance verte ». Certes, au premier semestre, les émissions de dette verte auront cru de 7 % (selon la Climate Bonds Initiative), mais cette performance est très en deçà des +35% du marché obligataire. Et, des vents tournants soufflent que ne traduisent par ces chiffres.
En Europe, la densité des réglementations transforme les acteurs économiques en agents de conformité, avec des obligations de publication d’informations sur la durabilité des produits financiers (en application de la SFDR – Sustainable Finance Disclosure Regulation) et des stratégies d’entreprises (en application de la CSRD – Corporate Sustainability Reporting Directive), mobilisant des ressources considérables.
Tandis qu’aux Etats-Unis, la polarisation politique pèse sur les stratégies d’investissement : entre autres États républicains, le Texas et la Floride ont adopté des législations limitant les investissements ESG, qualifiés de capitalisme « woke ». Cette hostilité a conduit certaines institutions à revoir leurs engagements pour éviter des controverses ou des risques juridiques. Des acteurs de premier plan dans la gestion d’actifs comme BlackRock, Vanguard ou Fidelity mesurent désormais leur soutien aux propositions ESG des actionnaires. Dans le même mouvement, des coalitions climatiques se trouvent fragilisées par le retrait de certains de ses membres (comme J.P.Morgan, State Street, …).
Dans ce contexte, un nouveau terme a même émergé, le “greenhushing”, désignant la tendance croissante d’entreprises à ne pas communiquer sur leurs actions environnementales, afin d’éviter les critiques. Ce silence tactique peut être interprété comme un signe de confusion ou d’incertitude quant à la direction que prennent les politiques environnementales.
Ce bilan de la finance verte, au terme de l’année 2024, n’est certes pas déconnecté des tensions du monde dont il est un écho. Les trois COP (sur la biodiversité à Cali, le climat à Bakou et la désertification à Riyad) ont débouché sur des conclusions en demi-teinte, tandis que les affrontements géopolitiques se poursuivaient (en Ukraine) ou gagnaient en intensité (au Moyen-Orient).
Par ailleurs, l’élection de Donald Trump, tout en renforçant le « bashing » à l’encontre des stratégies ESG aux Etats-Unis, laisse entrevoir un retrait de l’Accord de Paris par la nouvelle administration américaine. De même, la promesse de guerres commerciales vient s’ajouter au lot d’incertitudes économiques peu favorables aux investissements de long terme. Et comme, au-delà du cas américain, la moitié de la population mondiale s’est rendue aux urnes, de nombreux pays sont en attente de clarifications sur le soutien public aux politiques environnementales (la France, malheureusement, ne faisant pas exception…).
La fragilisation du dispositif onusien intervient à l’abord de la COP 30, qui se tiendra au Brésil en 2025 et devra clarifier le « Nouveau Cadre de Financement Climatique » : pour donner suite à l’engagement pris lors de la COP29 de fournir 300 milliards de dollars par an d’ici 2035 aux pays en développement, la COP de Belem se concentrera sur l’élaboration de mécanismes efficaces pour mobiliser et distribuer ces fonds. Le rôle du secteur privé sera mis en avant, avec des appels à une mobilisation accrue des capitaux pour compléter (ou remplacer…) les financements publics (notamment ceux qui manqueront du côté de l’Etat fédéral US).
Au-delà de ces financements requis dans le cadre de l’Accord de Paris, des investissements annuels de 4000 milliards de dollars seront nécessaires d’ici 2030 pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, selon l’Agence Internationale de l’Energie. Comme, d’ores et déjà, 2 dollars sont investis dans les technologies décarbonées pour 1 dans les fossiles, tout n’est pas perdu. À condition de ne pas changer de cap, dans la confusion des vents tournants de 2025…
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