Altadena
par Joe Brock
Altadena,un quartier populaire du comté de Los Angeles loin du clinquanthollywoodien, agonise entre les ruines fumantes de ses petitesmaisons, autrefois paisiblement alignées à l’ombre des monts SanGabriel, et les carcasses de voitures calcinées.
Le “Eaton fire”, du nom du Eaton Canyon au nord de LosAngeles, a réduit la localité en cendres. Il est l’un desincendies les plus meurtriers et virulents à sévir en Californiedepuis mardi.
Si les images de Malibu et de ses résidences de stars enflammes ont frappé les esprits dans le monde entier, le sort decette communauté en majorité noire et “latino” focalise moinsl’attention des médias.
La localité, qui abrite quelque 40.000 habitants, aégalement attiré une nouvelle population, de jeunes artistes etdes ingénieurs du “Jet Propulsion Laboratory” de la Nasa toutproche, un centre de recherche spatiale situé à Arroyo Seco.
Altadena plaisait pour son organisation à taille humaine,ses montagnes, ses sites de randonnée et sa proximité avec lanature.
Quel avenir désormais pour la petite ville?
Nombre d’habitants ont déclaré à Reuters craindre d’êtreoubliés par le gouvernement fédéral et l’Etat, plus enclins àsauvegarder les quartiers cossus de Los Angeles et à satisfaireles personnalités affectées par ce feu historique. La questiondes indemnisations par les assurances se pose également pour cesfoyers généralement modestes.
“Ils ne nous donneront pas la valeur réelle de notre maisonou alors il faudra vraiment se battre pour l’obtenir”, témoigneKay Young, 63 ans, les larmes aux yeux face à ce qui fut lamaison familiale et n’est plus désormais qu’un amas de gravatsfumants.
Inez Moore, 40 ans, dont la maison de famille a été détruitepar les flammes, s’inquiète que ses voisins ne grossissent lesrangs des laissés-pour-compte, qui n’ont ni les ressources nil’expérience pour faire face aux lourdeurs bureaucratiques àaffronter après un sinistre.
“Il y a des gens qui ne vont pas toucher ce qu’ils devraienttoucher, et puis d’autres qui vont toucher plus qu’ils nedevraient”, déplore ce professeur de l’université de Californie.
SOLIDARITE
Kay Young et Inez Moore, comme d’autres habitantsd’Altadena, ont dit à Reuters n’avoir vu aucun camion depompiers mercredi à l’aube, lorsque les flammes ont prispossession du quartier. L’amertume est profonde.
“Nous n’avons pas été aidés. Je ne sais pas où ils étaienttous”, déclare Jocelyn Tavares, 32 ans, alors que sa soeur et safille fouillent dans les reliquats d’une vie – un vélo d’enfantlittéralement fondu, une tasse intacte esseulée.
La direction des pompiers du comté de Los Angeles n’a pasrépondu à une demande de commentaire de Reuters.
Le “Eaton Fire”, qui a débuté mardi soir, a fait au moinscinq morts et avait englouti 13.690 hectares jeudi soir, donttoute la partie nord d’Altadena.
Avec le développement de la ville voisine de Pasadena dansles années 1960 et l’extension des autoroutes de l’agglomérationde Los Angeles, la population d’origine, en majorité blanche, aabandonné le quartier pour laisser place à des famillesafro-américaines attirées alors par des maisons encore bonmarché.
Une maison avec trois chambres coûtait environ 50.000dollars dans les années 1970, elle est estimée aujourd’hui àplus d’un million de dollars, selon des habitants.
Au tournant des années 1990, la population était à près de40% composée de Noirs. Aujourd’hui, Altadena compte 18% deNoirs, 49% de Blancs et 27% d’Hispaniques ou de Latinos, selonle Bureau du recensement américain.
Des “historiques” du quartier craignent que l’incendie etses conséquences durables sur les infrastructures ne conduisentà leur éviction, faute d’une indemnisation suffisante, etn’accentue la gentrification du lieu.
La solidarité joue à plein au sein de la communauté, oùvoisins et connaissances de longue date unissent leurs destinspour tenter de renaître du désastre.
“Un paquet d’entre nous sommes allés à l’école ensemble”, sesouvient Kay Young, montrant du doigt le squelette noirci del’établissement.
Michael McCarthy, 68 ans, qui travaille à Los Angeles,raconte que sa maison a été sauvée par un voisin qui a risqué savie en arrosant le toit au jet d’eau, alors que tout le mondeavait fui.
“Cette communauté va se reconstruire, j’en suis convaincu,tout le monde connaît tout le monde ici, tout le monde aime toutle monde”, souligne le futur retraité.
“Mon nouveau job, ce sera de tout remettre en ordre etd’aider au mieux mes voisins.”
(Reportage Joe Brock; avec la contribution de Mario Anzuoni etJonathan Allen, version française Sophie Louet)
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